La méga Hydre Upload de Lerne
Hercule, non point le comparse de Pif le chien mais le véritable héros (Héraklès chez les Grecs), dut en son temps affronter un monstre particulièrement effrayant : l'Hydre de Lerne. Cet être fantasmagorique fut décrit de manières tellement différentes qu'il est difficile d'en faire un portrait fiable. Mais c'est le principe même de cette bête qui intéresse et résonne aujourd'hui à nos oreilles affûtées : imaginez un être pourvu de plusieurs têtes, dont une est immortelle. Imaginez qu'en plein combat, croyant avoir réussi un coup décisif en coupant une des têtes vous en voyiez repousser deux de plus ! Patatras, impossible d'abattre ce bestiau, les coups le rendent plus fort. Tranchez un appendice, vous multipliez ses chances de vous battre. L'effet exponentiel de l'entreprise en découragerait plus d'un.
Que faire? Cautériser, oui, cautériser les occiputs à peine tranchés. Hercule aura pour cela besoin de l'aide d'Iolaos, de facto cet exploit sera refusé au héros qui eut besoin d'un auxiliaire pour arriver à bout de cette tâche.
Quelles hydres subsistent encore sous nos tropiques? Plusieurs. Les organisations terroristes par exemple sont de véritables monstres polycéphales qui semblent immortels du fait qu'une tête à peine tranchée se régénère illico presto. Et encore aujourd'hui, sans Iolaos, point de cautérisation possible.
Dans un registre plus léger, les sites de téléchargements illégaux, les sites d'échange dits peer-to-peer, qui sont les cibles de la tentative de réglementation de la sphère internet sont de véritables hydres de Lerne : coupez un de ces sites, dix prendront la relève. C'est là que le politique n'a pas la capacité hors norme d'un Hercule : lorsque les choses paraissent inéluctables, il faut savoir changer de stratégie. Internet ayant rendu caduc et ayant redéfini les contours de la législation sur le droit d'auteur, il faut trouver un via media, une solution qui contenterait les différentes parties impliquées en étant conscient que rien ni personne ne pourra vaincre ce monstre aux relents mythologiques. Les têtes repousseront sans cesse, les utilisateurs trouveront toujours un moyen de contourner la règle.
Regardons le scandale Mega Upload. D'aucuns se félicitent d'avoir tranché l'occiput du monstre, d'avoir donné le coup fatal, ils se vantent même de l'augmentation (toute relative) de la fréquentation des sites légaux via les visionnages en VOD. Mais c'est mal connaître son sujet. Ce coup d'épée aura surtout eu pour effet de booster les 'concurrents' de Mega Upload, comme Bit-torrent par exemple, et des dizaines d'autres dont le petit amateur que je suis ne soupçonne même pas l'existence...
La notion d'interdit, de vol devient relative, un téléchargeur n'est pas un irresponsable en puissance, sa gueule n'exhale pas de poison létal. Nulle solution idéale n'existe mais l'introduction d'une licence globale permettrait au moins de récupérer quelques subsides. Il serait même envisageable de rendre cette licence proportionnelle au nombre d'octets téléchargés par mois : un gros consommateur doit payer plus qu'un utilisateur d'internet qui ne télécharge (presque) rien.
La première lame coupe le poil, la deuxième le cautérise.
http://mythologica.fr/grec/heraclet02.htm
